D’où vient Homo numericus ?
Puisque la technnologie et bientôt la biotechnologie se rapprochent de nos corps et de nos esprits, ne peut-on pas envisager qu’Homo sapiens mute doucement vers une nouvelle espèce : l’Homo numericus ? En tout cas, on peut raisonnablement suggérer que si ce scénario finit par arriver, l’Homo numericus sera :
- d’abord et avant tout une espèce hyperconnectée en permanence
- une espèce mieux connue par les algorithmes qu’elle ne se connaît elle-même ou tout au moins avec une marge d’erreur plus faible.
Par exemple, une étude de Facebook a révélé qu’il faut seulement un certain nombre de likes pour qu’un algorithme puisse évaluer le niveau d’addiction ou l’étendue de leurs réseaux sociaux mieux que les participants eux-mêmes. Les chercheurs responsables de l’étude n’y vont pas par 4 chemins. Ils affirment en effet ceci :
« Les gens pourraient bien abandonner leurs propres jugements psychologiques et s’en remettre aux ordinateurs dans les grandes décisions de la vie, comme le choix de leurs activités, leur carrière. »
La conséquence inévitable est qu’il semblera alors plus logique pour les humains de confier leurs prises de décisions (ou une grande partie) aux algorithmes. C’est ça Homo numericus : un humain qui confie ses prises de décision aux algorithmes gavés de millions d’informations déjà recueillies. À mon sens, c’est le scénario le plus proche qui découle de la montée en puissance des technologies numériques et de l’Intelligence Artificielle (IA). Le fantasme d’une IA qui dominerait et soumettrait les humains est à mon avis une fausse route, à court terme en tout cas. Et pire, ce scénario catastrophe empêche de penser sereinement le scénario le plus plausible à moyen terme : le transfert de la prise de décision aux dispositifs automatisés bourrés d’algorithmes.
Où va Homo numericus ?
Pour illustrer mes propos, laissez-moi vous poser une simple question. La dernière fois que vous vous êtes rendus dans une ville inconnue, avez-vous demandé votre chemin à un humain ou à google maps (ou à une autre application similaire) ? Je parie fort que c’est la deuxième option. Et pourtant, il y a peine 30 ans, vous auriez demandé votre chemin aux passants. Vous n’aviez même pas le choix. Aujourd’hui, la majorité ferait plus confiance à leur smartphone. À certains égards, on peut même dire sans avoir peur que notre génération est la génération charnière vers cette nouvelle espèce l’Homo numericus qui entre autres :
- portera des capteurs pour surveiller et réguler le niveau de sucre ou d’hormones plusieurs fois par jour (utile pour les malades)
- utilisera des applications qui lui prédiront son espérance de vie en fonction de son niveau et rythme de vie actuels
- portera des capteurs pour surveiller son rythme cardiaque, la qualité de son sommeil afin de détecter à l’avance des anomalies de santé
- utilisera des applications qui calculeront le taux de réussite de la nouvelle relation amoureuse qu’il vient de débuter.
Pour la petite anecdote, pendant l’écriture de mon roman (qui sort à la rentrée prochaine), il m’arrivait de me déconnecter pendant une journée entière pour écrire. Quand je rallumais mon smartphone, j’avais tout une pile de messages de mes amis qui s’inquiétaient qu’il m’était arrivé quelque chose de grave !
À présent que nous sommes presque déjà des Homo numericus ou en voie de l’être, y aura-t-il des humains dans les boucles de décisions ? Quel est le degré d’indépendance qu’on donnera aux algorithmes dans les prises de décisions concernant les humains ? Voilà des questions auxquelles cette nouvelle espèce devra répondre. Ma marge est trop petite pour y répondre ici (J’espère que vous avez la référence.). Par ailleurs, quid des effets du numérique sur la santé mentale ? En effet, selon diverses études, l’addiction aux écrans entraînerait déjà une réduction des capacités de mémoire et de compréhension ! N’assistons-nous pas à la naissance d’une nouvelle espèce grâce à ce que Feu Michel Serres appelait l’exo-darwinisme ?
Homo numericus est déjà dans la pièce ?
« Le futur est déjà là. Il n’est simplement pas réparti équitablement. »