Devenues omniprésentes dans la société du tout numérique, les données numériques obligent les penseurs du monde moderne à forger de nouveaux concepts pour tenter de comprendre l’impact profond qu’elles ont sur nos vies. Dans Homo Deus, l’essayiste renommé Yuval Noah Harari, a développé un concept qui semble être pertinent à connaître pour comprendre le monde moderne. Il s’agit du concept de Dataisme qui n’est ni plus ni moins (selon lui) qu’une nouvelle religion dont l’élément sacré comme son nom l’indique est les Data. Dans cet article, nous plongerons dans le monde fascinant du Dataïsme, en expliquant en quoi il consiste et comment il influence notre manière de percevoir le monde qui nous entoure.
Le Dataïsme : Qu’est-ce que c’est ?
Le Dataïsme est une idée introduite par Yuval Noah Harari dans son livre Homo Deus puis dans 21 leçons pour le XXIe siècle. Selon lui, dans notre société contemporaine, les données sont devenues la nouvelle source de pouvoir et de vérité. Ainsi, nos décisions, nos comportement et même notre vision du monde sont influencés par les algorithmes et les systèmes de traitement de données.
Pour Harari, l’idéologie dominante du nouveau monde promu par les grandes firmes technologiques sera le Dataïsme. Cependant, contrairement à d’autres idéologies, le Dataïsme ne vénère pas un dieu ou une entité supérieure, mais plutôt les données elles-mêmes. Le Dataïsme considère que les données, lorsqu’elles seront collectées et analysées peuvent révéler des modèles et des vérités cachées, souvent au-delà de la compréhension humaine traditionnelle. En claire, là où les anciennes religions remettaient la compréhension des choses cachées à Dieu où à des esprits supérieurs, le Dataïsme s’en remet aux données numériques. A cet effet, Harari écrit :
Pour le Dataïsme l’univers consiste en flux de données (data), et sa contribution au traitement des données détermine la valeur de tout phénomène ou entité.
Les Dataïstes sont sceptiques envers le savoir et la sagesse des hommes et prfèrent se fier au Big Data et aux algorithmes informatiques.
L’ère de la surveillance et de la collecte de données
Une des conséquences du Dataïsme est la notion de surveillance omniprésente et de collecte de données. Désormais, à l’ère du numérique, nos activités en ligne, nos interactions avec la technologie et même nos déplacements génèrent d’énormes quantités de données. Pour les adeptes du Dataïsme, ces données doivent être utilisées pour améliorer les produits, personnaliser les expériences utilisateur et, dans certains cas, prédire nos comportements futurs.
Les plus grands temples du Dataïsme seraient Google, Amazo, Facebook, Apple, Microsoft (les fameux GAFAM) et autres multinationales du numérique qui récoltent des milliards de données sur nos interactions en ligne. Pour ces entreprises représentant conscient ou inconscient du Dataïsme, cette collecte de données est une nouvelle forme de ressource naturelle, comparable au pétrole ou à l’électricité dans les ères précédentes. Avant, on offrait ax dieux des animaux. Maintenant avec le Dataïsme, il faut offrir vos données personnelles. C’est d’ailleurs pour faire un clin d’oeil à ces GAFAM que j’ai nommé dans mon roman Papa Gafamus le dieu de la surveillance ubiquitaire (Papa fait plutôt référence à Papa Legba, dieu gardien des carrefours et messagers des dieux dans le Vaudou).
Quelques commandements du Dataïsme
Le postulat fondamental du Dataïsme est le suivant :
L’espèce humaine tout entière peut être considérée comme un seul système de traitement de données dont les individus seraient les puces. Dans cette perspective, les humains ne sont que des outils d’un grand système qui est l’Internet des objets (Internet of Things, IOT en Anglais). Ce système de traitement des données sera pareil à Dieu. Il sera partout et contrôlera tout et les humains sont destinés à se fondre en lui.
Selon Harari, comme toute religion, le Dataïsme possède ses commandements. En voici un petit résumé :
- Le Dataïste doit maximiser le flux de données en se connectant à toujours plus de médias, mais aussi en produisant et consommant toujours plus d’information.
- Tout doit être rattaché au système (Internet des Objets) y compris les hérétiques qui ne veulent pas y être branché. Tous les objets et êtres vivants doivent rester connecté au système.
- Aucune partie de l’univers ne doit rester déconnecté de la grande toile de la vie et le péché le plus grave serait débloquer le plus de données.
- Pour le Dataïste les expériences humaines pour avoir du sens doivent être en partagées en ligne dans le grand flux de données.
- La liberté de l’information est le bien suprême.
Dataïsme, les bons côtés
D’un point de vue purement pratique, le Dataïsme possède cependant plusieurs avantages potentiels. En utilisant des données, les chercheurs et les entreprises peuvent découvrir des tendances, résoudre des problèmes complexes et même développer de nouvelles innovations. Les diagnostics médicaux assistés par l’Intelligence Artificielle, par exemple, tirent parti des données pour proposer des traitements plus précis et efficaces. Mais comme dirait Michel Onfray, tout ceci n’est qu’un cheval de Troie qui permettra demain de mettre en place une société de surveillance dont on voit déjà les prémices.
Conclusion
A mon avis, s’il y a bien un concept qu’il faut comprendre pour saisir la portée des changements induits par l’avènement de ce que j’appelle le digitocène, c’est le le Dataïsme, un concept novateur développé par Yuval Noah Harari. Alors que nous continuons à avancer dans cette nouvelle ère numérique, le Dataïsme nous rappelle que, tout en exploitant le potentiel des données pour façonner notre avenir, nous pourrions très bien finir par devenir des esclaves des données numériques.
Komlavi GOG