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Vers l’individu tyran : Comment Internet a donné naissance au révolutionnaire digital

L’individu tyran, terme utilisé par Eric Sadin dans son brillant essai L‘ère de l’individu tyran est un concept intéressant en cela qu’il décrit parfaitement ou partiellement le citoyen à l’heure des réseaux sociaux. Qu’est-ce que l’individu tyran ? Comment est-il né ? Quelles sont ses particularités ? C’est ce que vous allez découvrir dans les prochaines lignes.

Rentrons directement dans le vif du sujet. L’individu tyran, c’est vous, c’est moi, c’est nous tous. L’individu tyran est le fils de la révolution numérique. C’est cette espèce à qui l’utilisation d’Internet donne une impression de superpuissance individuelle. Pour lui, il est le roi du monde. Par un tweet sur Internet, il pense le révolutionner. Ultra connecté, il prend sa subjectivité pour la vérité universelle. C’est un révolutionnaire digital qui veut changer le monde depuis son canapé. Il a raison contre et envers tous. Mais chaque phénomène ayant toujours au moins une cause, il convient de savoir d’où est né l’individu tyran.

J’avais dit en début d’article qu’il est le fils de la révolution numérique. C’est pas faux car Interner est son père technologique. Mais notre individu tyran a aussi un père idéologique : le néolibéralisme. Parce que ce dernier fait exploser les inégalités, l’individu semble être dépossédé de son existence et est convaincu que l’avenir lui échappe. Et par le numérique, il pense être assez puissant pour rétablir la justice. Le numérique devient ainsi le lieu de rencontre des lamentations de milliers d’individus tyrans. Pensez au gilet jaune et vous allez mieux comprendre.

Or cette pseudo-puissance que lui confère le numérique est une illusion. Ce n’est pas parce que vous envoyez un tweet révolutionnaire que le monde va changer du jour au lendemain. La réalité est dure et le changement est lent. En conséquence, l’individu tyran est naturellement frustré. Il se replie sur lui-même, et ne pense que par le biais de l’individu. Solitaire, enragé et revendicataire, voilà les qualificatifs de l’individu tyran d’où l’atomisation du vivre-ensemble. S’il sort sur Internet, c’est pour discuter avec des gens qui pensent exactement comme lui à cause du biais de confirmation auquel nous sommes tous soumis. Il est ainsi enfermé dans ce que nous les experts de la data ( un peu d’humour voyons !) nous appelons une chambre d’écho où ne résonnent que les arguments qui prouvent son point de vue. Ainsi, au nom du marché de l’avenir, c’est-à-dire rendre le monde meilleur, l’individu tyran devient un être autocentré de plus en plus ingouvernable.

Le paradoxe dans cette affaire est que le néolibéralisme qui a d’abord sacralisé l’individu avant de le dépouiller copieusement, lui a en même temps donné les moyens numériques d’être un tyran et surtout des raisons pour exercer sa tyrannie.

Pour l’individu tyran, sa raison est la meilleure. Il suffit de voir la véhémence des commentaires sur les réseaux sociaux. La violence verbale sur Internet est devenue une habitude. L’individu tyran est toujours en colère. C’est un justicier digital. De plus, tout le temps excité par des tweets et des commentaires acides, il est tout le temps sur la défensive parce qu’il a peur des raisonnements divergents qui sortent de sa chambre d’écho. Or, comme disait le philosophe Alain :

« Quand un homme a peur, la colère n’est pas loin. L’irritation suit l’excitation.« 

Vous comprenez donc pourquoi sur Internet, on a souvent l’impression que tout le monde est en colère. Par le concept d’individu tyran, on peut s’attendre à ce que l’Homo numericus qui remplacera l’Homo sapiens sera un être constamment en colère. C’est par ces mots que je termine ce billet. Mais en attendant le prochain article, je ne peux que vous recommander de lire l’essai d’Eric Sadin. Vous en ressortirez gagnant.

Komlavi GOG

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